Les conventions de quasi-usufruit mises à mal par le nouvel article 774 bis du CGI
Le quasi-usufruit est une technique de gestion fiscale et patrimoniale redoutable pour qui en maîtrise les subtilités. Toutefois, la loi de finances pour 2024 est venue amputer certaines de ses applications en introduisant un nouvel article dans le Code général des impôts (CGI).
Nombreux sont ceux qui connaissent l’usufruit, qui est un droit réel temporaire conférant à son titulaire l’usage et la jouissance de toute sorte de biens appartenant à autrui, mais à charge d’en conserver la substance. Par exemple : l’usufruit portant sur un immeuble.
L’hypothèse la plus fréquente est celle de parents ayant fait donation de la nue-propriété d’un immeuble à leurs enfants et se réservant l’usufruit leur vie durant. Les droits de mutation à titre gratuit (appelés communément « droits de donation ») portant sur la nue-propriété transmise sont calculés d’après la valeur vénale de l’immeuble après application d’un abattement déterminé par un barème fiscal fonction de l’âge du donateur (art. 669 CGI). Au décès des parents, l’usufruit s’éteint. Les enfants deviennent pleins propriétaires sans payer de droits de succession supplémentaires sur ce bien. Cette transmission anticipée en démembrement de propriété peut générer des économies fiscales substantielles.
Le quasi-usufruit est un droit portant sur des choses consomptibles
Un peu moins nombreux sont ceux qui connaissent le quasi-usufruit. Il s’agit d’un droit équivalent à l’usufruit, mais qui porte sur des choses consomptibles par le premier usage et qui confère à son titulaire la faculté de le consommer à charge de restituer à la fin de l’usufruit soit des choses de même quantité et qualité, soit leur valeur estimée à la date de restitution. Par exemple : quasi-usufruit sur une somme d’argent.
Il s’agit de l’hypothèse d’une donation démembrée de somme d’argent de 1 000 000 euros réalisée par une mère âgée de 70 ans au profit de ses deux enfants, avec constitution d’un quasi-usufruit. La valeur de l’usufruit est de 400 000 euros selon le barème fiscal de l’article 669 du CGI. Aussi, la nue-propriété transmise sera taxée aux droits de donation sur 600 000 euros. Au décès de leur mère, conformément à l’article 587 du Code civil, une dette de restitution de 1 000 000 euros devrait être prise en compte au passif successoral. Cette dette s’imputerait sur les autres actifs transmis, venant ainsi minorer l’assiette taxable aux droits de succession.
Le quasi-usufruit est ainsi souvent utilisé dans les schémas de transmission patrimoniale, afin de permettre à l’usufruitier de jouir d’une somme d’argent pour sa pleine valeur sa vie durant, tout en ayant transmis cette dernière à ses héritiers à moindre coût. En effet, comme indiqué, la base imposable aux droits de donation est diminuée de la valeur de l’usufruit réservé par le donateur. Au surplus, le donateur peut prendre en charge les droits de donation sans que cela ne constitue une donation supplémentaire. Au moment du décès du donateur, lors de la liquidation de sa succession, la dette de restitution vient en déduction des actifs transmis.
Civilement, les règles sont claires et empreintes d’une certaine logique. Fiscalement, les effets sont efficaces. À tel point que cette optimisation a conduit le législateur (sur les conseils de l’administration fiscale) à adopter le nouvel article 774 bis du CGI, pour limiter l’utilisation de quasi-usufruit sur des donations de sommes d’argent en démembrement de propriété.
L’article 774 bis du CGI crée une nouvelle variété de dette civilement avérée, mais ne pouvant plus être prise en compte au titre …