Réforme du droit des marques : la fin des dépôts faciles !
D’aucuns considèrent qu’un dépôt de marque n’est qu’une simple formalité, qui peut facilement être effectuée sur le site de l’INPI. Or, le dépôt d’une marque doit être précédé d’une réelle réflexion en amont sur sa validité et sa disponibilité si l’on veut pouvoir s’en servir vis-à-vis des concurrents. La réforme entrée en vigueur en avril dernier ne fait que renforcer cette exigence.
L’ordonnance du 13 novembre 2019, entrée en vigueur le 1er avril 2020, assure la transposition en droit français du « Paquet Marques » européen. Elle réforme profondément la matière tant sur le fond, qu’au niveau procédural.
UNE EXIGENCE ACCRUE DE DISTINCTIVITÉ.
La condition de caractère distinctif du signe choisi comme marque a toujours existé dans les textes. Ainsi, l’article L.711-2 du Code de la propriété intellectuelle prohibait déjà le dépôt de « signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service » ou encore de « signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service ».
Cependant, le défaut de caractère distinctif était généralement invoqué pour obtenir une nullité de la marque, soit à titre principal, soit le plus souvent en défense dans le cadre d’une action en contrefaçon.
L’ordonnance consacre désormais le défaut de caractère distinctif du signe choisi comme un motif autonome de refus de l’enregistrement.
Ainsi, l’INPI pourra refuser d’office d’enregistrer un signe qu’il considère comme « intrinsèquement » non distinctif ou encore, un signe « composé exclusivement d’éléments ou d’indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce », ce qui élargit considérablement les cas de refus.
Certains titulaires de marques, que l’on pensait pourtant bien établies, ont récemment fait les frais de cette appréciation plus stricte du caractère distinctif. Ainsi, la marque « Rent a Car » a-t-elle été annulée par la cour d’appel de Paris pour défaut de caractère distinctif car, à la date de son dépôt (1998), elle pouvait d’ores et déjà être associée par un consommateur moyen comme désignant le service fourni (« louer une voiture »).
De même, la marque « Giant » détenue par la société Quick, a été également annulée pour défaut de caractère distinctif, car désignant une caractéristique des produits et services désignés par la marque, en l’espèce le caractère « énorme » ou « XXL » des burgers proposés à la vente.
On peut d’ailleurs constater que l’INPI se montre nettement plus regardant depuis l’entrée en vigueur de la réforme, et n’hésite plus à rejeter ou limiter l’enregistrement de signes jugés non distinctifs. On estime ainsi que le taux de rejet est passé de 3 à 19 % lors des derniers mois, ce qui doit inciter les entreprises à une réelle réflexion quant au choix de leur marque.
LA NÉCESSITÉ DE CHOISIR UNE MARQUE « ORIGINALE ».
De nombreuses entreprises font le choix, dans un souci marketing évident, d’une marque souvent trop descriptive des produits ou services qu’elles vendent. Or, la marque étant un monopole légal, la liberté de la concurrence s’oppose à ce que l’on puisse s’approprier des termes couramment utilisés dans le secteur d’activité concerné ou, d’une façon générale, passés dans le langage courant.
Cela inclut aussi les termes d’origine étrangère, aisément compréhensibles par le consommateur français moyen, à l’instar du terme « Giant ».
On constate ainsi que les logiques marketing et juridiques entrent en confrontation lors du choix d’une marque : d’un côté, plus la marque sera évocatrice du produit ou du service, plus elle sera identifiable par le public ; mais d’un autre côté, si elle est trop descriptive du produit ou du service, ou de ses caractéristiques, elle sera refusée à l’enregistrement ou encourra une nullité, même si elle passe le cap de l’enregistrement.
On ne peut donc qu’inciter les entreprises à choisir une marque « originale », et la plus arbitraire possible, en faisant un effort de communication nécessaire pour qu’elle soit associée aux